Un trésor préhistorique niché dans le Tassili n'Ajjer
Située au sud-est de l'Algérie, en plein cœur du désert du Sahara, la cité de Sefar est l’un des joyaux archéologiques les plus fascinants du continent africain. Établie dans la région de Djanet, au sein du majestueux parc national du Tassili n'Ajjer, cette cité troglodytique captivante évoque un passé ancien et mystérieux à travers ses innombrables gravures et peintures rupestres.
Sefar constitue sans nul doute l’un des plus importants ensembles de peintures et gravures rupestres au monde. Ce site préhistorique, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1982, est souvent qualifié de « plus grand musée d’art pariétal à ciel ouvert ». Son isolement au cœur du plateau du Tassili a contribué à préserver depuis des millénaires ses trésors archéologiques, tout en renforçant le mystère qui l’entoure.
Un site millénaire au cœur du Sahara
Le plateau du Tassili n'Ajjer, où se situe la cité de Sefar, est un véritable labyrinthe de canyons, d’arcs naturels, de gorges étroites et de formations rocheuses spectaculaires. Cet environnement unique a abrité les hommes dès la préhistoire, lorsque le Sahara était verdoyant et couvert de vastes prairies habitées par une faune abondante.
Les premières traces d’occupation humaine à Sefar remontent à environ 10 000 ans. Les artistes de cette époque ont orné les parois rocheuses de leurs abris de scènes de leur quotidien : chasse, agriculture, rituels spirituels et moments de vie sociale. Sefar documente ainsi plusieurs périodes préhistoriques, dont principalement :
- La période des Têtes rondes (8000 à 6000 av. J.-C), caractérisée par des figures humaines stylisées, souvent sans traits distinctifs, avec des formes étranges presque surnaturelles.
- La période bovidienne (6000 à 4000 av. J.-C), marquée par l’apparition de représentations de bovins domestiqués, signe clair d’un mode de vie pastoral.
- La période équidienne et cameline (de 2000 av. J.-C à l’époque historique), correspondant à la désertification progressive du Sahara et à l’arrivée des premiers nomades chameliers.
Chaque peinture, chaque gravure apparaît comme un témoignage vivant du passage d’anciennes civilisations dans cette région reculée. À travers elles, les chercheurs peuvent retracer l’évolution climatique, sociale et culturelle de l’humanité dans le Sahara algérien.
Une architecture énigmatique et des œuvres d’art fascinantes
Ce qui distingue Sefar des autres sites archéologiques du Tassili, c’est son urbanisme insolite et les structures rocheuses naturelles qui émergent du paysage. Certains les décrivent comme des rues, des couloirs, des places, voire des « temples » creusés par l'effet de l'érosion. D’où l’appellation populaire de "cité de pierre".
Les dessins observés à Sefar frappent par leur diversité et leur originalité. Vous y verrez :
- Des humanoïdes de grande taille aux formes étranges, parfois interprétés comme des entités spirituelles ou des divinités.
- Des représentations animales détaillées montrant une faune saharienne aujourd’hui disparue : girafes, éléphants, autruches, crocodiles, etc.
- Des scènes de danse ou de cérémonie, offrant un aperçu des croyances et pratiques religieuses anciennes.
Les fresques les plus connues de la cité incluent « le Grand Dieu Martien », une silhouette colossale à la tête ronde et au corps orné de marques rituelles. Cet aspect atypique fait parfois naître des théories ésotériques sur le rôle de Sefar comme point de contact entre l’homme et des civilisations extraterrestres. Si ces hypothèses n'ont pas de fondement scientifique, elles témoignent bien de l’aura de mystère qui entoure encore ce site.
Les gravures et peintures sont réalisées avec des pigments naturels extraits d’argiles et de minéraux locaux. La finesse de l’exécution, la symbolique des scènes et la longévité de ces œuvres en font une ressource inestimable pour les chercheurs et passionnés d’art rupestre.
Sefar : Un voyage au bout du monde
Accessible uniquement à pied ou à dos de mulet, l’accès à Sefar n’est pas aisé. Il nécessite plusieurs jours de marche depuis la ville de Djanet, souvent accompagnés par un guide Touareg expérimenté. Ce défi logistique contribue à préserver le site, mais aussi à renforcer son caractère mythique et intemporel.
C’est sans doute cette difficulté d’accès qui a permis à Sefar de conserver son intégrité malgré le passage du temps. Le trek pour atteindre la cité offre une expérience immersive dans un environnement quasi lunaire, où le silence règne et où la terre semble murmurer les échos d’un passé oublié.
Les touristes qui explorent ce lieu parlent souvent d’un voyage introspectif, à mi-chemin entre la randonnée spirituelle et la découverte culturelle. C’est également un moment formidable pour observer le ciel saharien, d’une pureté exceptionnelle, offrant un spectacle céleste inégalé.
Un patrimoine à protéger et transmettre
Le site de Sefar, bien que peu accessible, fait aujourd’hui l’objet d’une attention croissante de la part des spécialistes, mais aussi des autorités algériennes. Le parc national du Tassili bénéficie de programmes de conservation visant à limiter les dégradations naturelles et humaines.
Parmi les menaces principales figurent :
- L’érosion naturelle des peintures dues au vent, au sable et aux variations climatiques extrêmes.
- Le vandalisme ou le pillage par des visiteurs mal informés ou irrespectueux des lieux.
- Le changement climatique, qui accélère la détérioration des abris rupestres et perturbe l’équilibre fragile de l’écosystème local.
Des initiatives éducatives locales se développent pour sensibiliser les populations et les voyageurs à la préservation du site. Les Touaregs, gardiens historiques du désert, jouent déjà un rôle majeur dans l’accompagnement touristique responsable et dans la transmission des légendes associées à la cité mythique.
Sefar, miroir de l’humanité ancienne
Visiter Sefar, c’est plonger tête la première dans une encyclopédie naturelle et artistique vivante. Chaque motif gravé raconte une histoire, chaque peinture révèle une facette de notre humanité primitive. C’est un rappel puissant que le désert, aride aujourd’hui, fourmillait autrefois de vie et de civilisations florissantes.
Si elle reste encore largement méconnue du grand public, Sefar s’impose petit à petit comme une destination incontournable pour les férus d’histoire, d’aventure et de mystère. Son isolement, loin d’être un frein, devient un atout : celui de préserver un patrimoine mondial unique, dans un écrin de sable et de roche qui transcende les âges.
Redonner sa place à Sefar dans l’imaginaire collectif, c’est non seulement valoriser l’incroyable richesse du Sud algérien, mais aussi éclairer une partie des origines communes de l’humanité. Car ici, dans l’immensité du désert, résonne encore le souffle des premiers artistes de l’histoire…